Alors que la primauté d’une société hypermoderne exacerbe la dictature d’un temps réel et calculé qui s’écoule sans cesse, l’imposition d’une vitesse, d’une urgence et d’une instantanéité tyrannise toujours plus l’homme contemporain. Dans son éternelle arrogance, l’humain-instant, qui croit pouvoir s’affranchir de ses temporalités, vit constamment dans une course opprimante. Dans cette réalité, l’architecture doit être vue comme une opportunité de remettre en question ce conflit incessant entre l’humain et son temps en se dérobant d’une temporalité calculée pour profiter du ralentissement qu’offre un temps plus subjectif.

Intervenant sur l’espace-temps du Kamouraska qui est caractérisé par sa dualité entre noeuds anthropiques et paysagers, la distillerie est analysée comme élément de composition avec le site. Réellement ancré dans son environnement, le projet forme un pont entre les limites temporelles, faisant passer l’occupant d’une rapidité propre à l’anthropique vers la lenteur qu’offrent les temporalités du paysage.

À travers ses trois grands systèmes rattachés aux dynamiques d’une distillerie, la grande toiture guide à la fois les espaces, les mouvements, les directions, les vitesses et les vues. S’ouvrant ou se fermant par moment au village, aux champs et aux fleuves à proximité, le projet s’élance vers l’horizon ou reprend la topographie en s’élevant et en touchant le sol. Se joue alors une interpénétration entre deux parcours, guidés par la toiture, mais vivant chacun leur temporalité. C’est ainsi que se déploie le projet Cronos, Kairos, Aiôn : la distillerie comme élément de modulation de l’espace-temps du Kamouraska; dans une systémique en composition avec le site et qui à travers son mutualisme ne fait que devenir adjuvant d’un processus de remise en question du rapport au temps.